Julien GARNIER | |
A la recherche dun art non utopique, jessaye de mettre en évidence des idéologies artificielles et contradictoires, entre construction et déconstruction, entre art et architecture. Mes productions questionnent le statut de lobjet, du décor, de larchitecture et du simulacre dans un glissement permanent de lenvironnement à lobjet, de loriginal au substitut et de lillusion au trucage. Elles sont toutes diluées dans des formes reconnaissables car lintérêt ne réside pas seulement dans lélément figuratif, mais dans son potentiel à représenter une certaine approche du monde. Cest à partir de la pratique du dessin que les volumes se constituent. Je cherche à recycler des formes, des états et des souvenirs personnels, pour tenter de renvoyer dos à dos les concepts dinformation et de spectacle. Mes recherches se nourrissent des
ambitions culturelles et sociales des avant-gardes des
années 20 : rationalisation, économie de moyens,
simplicité formelle et standardisation.
Lutilisation de matériaux standards et légers
comme le tube fluorescent et lemploi de low
matériaux MDF ou aggloméré remet en
cause luniformisation de nos sociétés
contemporaines et la notion de bricolage / prototype. Persiennes 2.0 propose deux assemblages de tasseaux de bois lisses et peints en orange fluo, horizontaux sur l'une et obliques sur lautre. Ces dernières sont installées devant les portes-fenêtres de la galerie, presque à la verticale et se dressent, massives, à mi-chemin entre le store vénitien qui protège des regards, et liconographie du chantier, dans une sorte de work in progress. Ces châssis posés au sol ne sont pas véritablement montés, à moins quils ne soient déjà démontés en attente dêtre rangés et ne limitent pas les solutions et les interactions possibles. L'artiste propose une relecture de nos acquis, à l'instar de ce mouvement 2.0 vulgarisé à lextrême et qui retrouve ici son sens premier : lévolution vers plus de simplicité et d'interactivité, laissant au plus grand nombre possible l'occasion déchanger et de contribuer, pour rendre au spectateur son rôle d'acteur. Réminiscence, structure utilisant des matériaux non-nobles tel que l'aggloméré, se constitue de 9 reproductions de parpaings. La structure même du meuble reproduit une multitude de rangements trop étroits qui viennent narguer la fonctionnalité et la viabilité même de l'objet, comme le résultat d'une idée mal appropriée. La double nature de cette pièce neutralise toute utilisation potentielle, réelle comme imaginaire. L'usage unique de lignes droites et de formes rectangulaires, la présence exclusive des couleurs primaires et non-couleurs semble défier les courbes arrondies de ce vase fleuri et de ces pieds métalliques et laisse venir à nous, altérées, les spécificités des avant-gardes des années 20. Le tout confère à l'objet le pouvoir d'évoquer le plus imparfait des souvenirs, celui qu'on ne sait identifier définitivement. Réminiscence est une strate supplémentaire des recherches entreprises par Julien Garnier qui poursuit ici ce quil avait entamé avec Idea en 2011, wall drawing reprenant le logo dune grande marque de meuble. Restreindre son travail aux volumes semble être un choix impossible, qui conclurait trop brusquement des négociations interminables aux enjeux distanciés. We'll be forever young #13 est un dessin numérique en noir et blanc représentant un jeune homme vêtu d'une chemise. Ce portrait fait partie d'une série qui présente des caractéristiques communes à tous ses sujets : un trait fin venant préciser l'importance du détail qui se perd pour finir sa course, inachevée. L'utilisation du noir et blanc et le choix de la technique, dénuée de toute chaleur, accentuent le manque d'humanité qu'on prêterait volontiers à cette série, dont chaque personnage semble chercher à se démarquer au travers de signes distinctifs qu'ils arborent pour finalement mieux se ressembler. Le poids de ces contradictions repose alors sur les épaules de ce jeune homme habillé de sa chemise incomplète comme pour signifier un devenir incertain, entre intégration et distinction, entre original et copie. Cette interrogation avancée par We'll be forever young apparaît finalement récurrente dans les travaux de Julien Garnier, qui tout en équilibre et démesure, cherche avec Palissade et Pavillon de la série Éponymes, à redéfinir une fois encore le paradoxe de luf et de la poule. Ces dessins numériques aux allures de plans de construction sont des représentations à l'échelle 1:2 de volumes qui ont déjà existé mais qui interpellent la viabilité de leur origine de par leur format particulier et leur présentation. Par la sincérité de son propos et de sa démarche, Julien Garnier s'amuse à démonter les certitudes afin d'en saisir l'essence paradoxale, cherchant toujours à examiner, au travers de ces rapports d'échelles et de ces équilibres de forces et de matériaux, la stabilité et la légitimité même des symboles et simulacres de notre environnement contemporain. Adrien Bezia, octobre 2012. Aujourdhui, nous admettrons la difficulté, voire limpossibilité, dexprimer lune ou lautre de ces déclarations. On sait quil nest plus possible depuis longtemps daffirmer lambitieux Je taime désespérément et nous navons plus lenvie, fin 2012, de déclarer Comme dirait Barbara Cartland, je taime désespérément. Ces deux formules apparaissent en effet symptomatiques de leurs temps respectifs, celui de la modernité héroïque pour la première, celui dune postmodernité écurante pour la seconde. Et ces temps, nous les voulons désormais révolus. Dans
cette exposition, Negotiate the Distance, Julien
Garnier fait dabord ce constat-là. Patrick
Perry, octobre 2012. |