DANIEL DEZEUZE |
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Après l'ensemble de dessins De la vision des escargots après la pluie, présenté en Hollande à la galerie John Dekkers (La Haye), Daniel Dezeuze a réalisé un ensemble traitant de génétique, de manipulations s'y référant et des clones qui en résultent. Ces dessins insolites, " Caprices et Grotesques", aux traits souples et tranchants à la fois, sont montrés pour la première fois. |
Daniel Dezeuze |
Présentée sobrement sous le titre Daniel Dezeuze- Des clones par milliers, l'exposition - la deuxième de l'artiste séto-montpelliérain à la galerie Vasistas - rassemble une quarantaine de dessins, tous aussi grotesques que capricieux, et réalisés entre 1997 et 2002. Paradis ou enfer, de la ligne souple et ombrée, de traits enchevêtrés et biscornus, de pleins en arrondis et de déliés en gracilité aiguë, c'est, à loisir, une exposition dédiée à l'art de cultiver son jardin du regard, ou une fantaisie sans gravité biologique immédiate. Mais de toute façon, une chasse en territoire de l'esprit contre la fatuité et l'oppressante raison. Du végétal, de l'insecte, de l'herbe folle et cinglante, du cytise en découplage, des gramminées en famille intensive, des cellules compartimentées et atteintes d'extravagante gestation, avec des fétus d'aile, d'harmonieuses spirales et des ressorts secrets ou violents que soulignent des ombres, du rose au grenat. Batailles, rencontres, opérations de charme, duels sanglants et chastes, obscénités sans culpabilité, amours de l'excroissance carnée et de l'enroulement sexué. Bref, loi d'une nature où l'imaginaire crée et produit un état voulu de science de l'innomable. Conséquence : rien en cette affaire qui puisse permettre de reconnaître un environnement réel de gazon résidentiel, de parterre public ou de campagne vallonnée façon tourisme vert. Mais pas moins que sur n'importe quelle planche figurant dans un herbier avec ses décompositions arbritraires et circonstanciées. Dezeuze joue ainsi de rapports ambigus : entre chefs-d'oeuvre orientés biologiquement par la performance des technologies nouvelles, et esthétiques d'un chaos dont le trait dessine l'informe, avec cette ligne de délectation grave et attentive où perce la cocasserie bien dominée de la pointe de roseau qu'il affectionne. Donc, quarante sept dessins exactement : tantôt crayon et terre de Cassel, lavis, encre, pastel et pierre noire, aquarelle et craie Comté ou fusain. Un florilège certes, des moyens en usage, mais avec une retenue qui donne au projet toute son indépendance, sa liberté et son unité. C'est clair : Dezeuze a toujours dessiné, même quand, employant ses tarlatanes ou gazes des années 70, il figurait des plans asymétriques en les découpant au ciseau comme Matisse, dans la ligne de supports-surfaces dont il avait été membre. La série actuelle s'est nourrie des formes hybrides, entre plantes et insectes, avant de se consacrer aux yeux des mouches dont les agrandissements offraient des visions inégalées. L'artiste tend actuellement moins à se rapprocher du végétal, comme dans les années 80, qu'à opérer des croisements avec les univers cellulaires organiques. Mais il passe toujours autant de temps à observer le mouvement des herbacées dans son jardin sétois, dont il se garde de reproduire en direct les circonvolutions. " C'est décanté, puis reconstruit ", dit-il, en avouant un penchant insolent pour les grotesques de la Renaissance, contre les rigueurs de la perspective et les canons de l'académisme grec antique. Et, après avoir inventé des armes de jet et à feu inoffensives et drolatiques à souhait, il imagine ici des constructions déraisonnables, " des clones, oui mais ratés ", qui lui font peur mais dansent, avec une ardeur certes un peu macabre mais d'une indéniable facétie. Cruauté délicieuse, après Bosch, d'un jardin des supplices. |
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