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Nourris d'univers personnels déjà
fortement affirmés, trois jeunes
artistes, diplômés 2009 de l'École des
Beaux-arts de Nîmes, témoignent
des différents positionnements possibles face
à la peinture.
Le résultat rend compte d'un enthousiasmant optimisme
contemporain à partager sans retenue.
Sonia FOULC
Si mes productions
semblent naïves et cruelles, mon travail serait comme un
rire nerveux.
Je ne fais pas de la peinture le motif de ma démarche,
mes questions ne sont pas dirigées sur le médium même,
bien que celui-ci soit ma motivation profonde. La
peinture anime quelque chose dune vitalité,
dune respiration, dune tension, autant
didées qui sapparentent à une présence, à
un être-là.
Parler de lautre pour parler à lautre.
Lenfant qui
rit I, II, III, 2009. Acrylique sur toile. 100 x 120
cm chaque.
Sans titre, 2008.
Acrylique sur toile. 150 x 170 cm.
Mika PEREZ
Comment ça joue, lhumain
Luvre
proliférante de Mika Perez fonctionne comme un organisme
qui absorberait les images pour les restituer sous forme
de tableaux. Tous les régimes de limage sont
concernés sans hiérarchie ni distinction :
typographie, BD, imagerie populaire, peinture, cinéma,
illustration, gravure ancienne
.
La virtuosité formelle et technique de lartiste
lui permet toutes les hybridations : il peut ainsi
séparer subtilement limage de son style
dorigine, et lui en appliquer un autre comme si la
somme des choix picturaux était rassemblée dans une
banque de données. Il peut aussi, et cest tout le
contraire, investir le médium comme objet de
spéculation, dans des toiles étranges où le pinceau se
soumet à un divertissement en suivant des jeux de lignes
à la matière maigre, ou interroger la typographie comme
image, à la manière de Ruscha, en la placardant
hardiment sur un fond de peinture abstraite.
Car cest aussi une praxis picturale qui est
exposée dans les grands ensembles que lartiste
accroche à toutes les hauteurs du mur : les styles
picturaux comme les lexiques y sont mélangés,
lartiste les a déposés sur le support puis est
parti explorer un autre style, expérimenter une autre
technique, puiser dans un autre réservoir de formes. Ce
qui reste devant nous, au delà ce cette ambition
dabolir toute hiérarchie, cest une
action : brasser les références, tricoter la
naïveté avec la connaissance, passer de limage
lisse à la picturalité sensuelle et inversement :
les cavaliers de lapocalypse, recadrés, sont
baptisés du nom dun album de post-rock canadien
(Horses In The Sky). Le premier tableau de
lartiste, un paysage de film, est retravaillé cinq
ans plus tard, et barré du mot « Arbogast »,
nom du policier malchanceux dans Psychose de
Hitchcock.
Si donc lacte de peindre semble exposé tout autant
que le sujet peint, cest quils semblent
naître dun même élan, celui du désir peut
être, de lexpérimentation en tout cas.
Laccrochage bigarré, déployé sur plusieurs
registres de hauteur, ménage des rassemblements
thématiques, des syncopes, des impasses, déroge à
lhabitus culturel qui nous lie à lexposition
de peintures ou à dautres genres de production
humaine. Il transperce littéralement la cohérence
visuelle, dans une entreprise analytique et extensive.
Loin de désincarner luvre de départ,
lorsquil y en a une, ou simplement de banaliser
lart, Mika Perez offre une perspective sur le travail
de la peinture, à léchelle sociale et
individuelle, et il révèle tous ses liens avec
limage : les différents registres
dimage qui existent et les styles qui leur sont
rattachés deviennent soudain intelligibles. Nos modes
dévaluation se trouvent affectés, devant cette
proposition de faire de lart comme on ferait de
lillustration ou de la musique : comment ça
joue, lhumain.
Françoise Lonardoni
in Pour Suite,
catalogue de l'exposition des diplômés 2009 de l'Ecole
des beaux-arts de Nîmes.
Horses In
The Sky, 2009. Acrylique sur toile. 150 x 150 cm.
Fuite du
feu au monde flottant, 2009. Acrylique sur toile.
150 x 150 cm.
The
Suicide, 2004 - 2009. Acrylique sur toile. 73 x 92
cm.
Peinture
deictique (Sic), 2009. Acrylique sur toile. 90 x 130
cm.
Skate
Down, 2009. Huile sur toile. 150 x 150 cm.
Peinture
deictique (...), 2009. Acrylique sur toile. 60 x 73
cm.
Figurants,
2009. Acrylique sur moquette et couverture. 73 x 100 cm
chaque.
Peinture deictique (??), 2009. Acrylique sur
toile. 40 x 60 cm.
Mika Perez et Jeremy
Damien. Réunion, 2009. Technique mixte sur
toile. 60 x 73 cm.
Julia SCALBERT
Jaime
lidée quils ne fassent quêtre n°7,
2009. Acrylique sur toile. 160 x 180 cm.
Jaime
lidée quils ne fassent quêtre n°1,
2009. Acrylique sur toile. 150 x 180 cm.
Dans le mouvement perpétuel dinterrogation des
enjeux de la représentation du réel et de la pratique
picturale, je choisis de faire des images qui ont à voir
avec le « figural » : quelque chose est
à voir qui ne peut se dire mais seulement se montrer.
Dans ces peintures, où la représentation, et de fait le
sens de celles-ci ne sont pas fixes, il sagit de
donner à penser au-delà de ce qui est montré, et de se
demander ce que lon voit lorsquon ne voit
rien.
Les figures qui apparaissent sont des prétextes pour
peindre encore et donner à voir lalchimie de la
création. Attachant plus dimportance à la
peinture elle-même plutôt quà sa justification
par un sujet, je ne souhaite cependant pas évacuer le
motif, ce qui permet aux travaux de conserver une
matérialité, un ancrage dans le réel que nont
pas les tableaux abstraits. Lobjet représenté se
laisse reconnaître, mais perd son évidence
habituelle ; le regard du spectateur doit en quelque
sorte « traverser » la peinture pour
identifier lobjet, et par cet acte rencontre la
peinture en tant que telle, dans sa matérialité et son
organisation structurelle.
Jaime
lidée quils ne fassent quêtre n°5,
2009. Acrylique sur toile. 130 x 160 cm.
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